Écrit par Anna KARZEL (MAM-S7FRA)
Édité par Maeve BOUCHEZ (MAM-S7FRA)
En décembre 2024, l’Union Européenne sous la présidence de la Commission Européenne d’Ursula von der Leyen, a signé des accords commerciaux avec les cinq pays Mercosur – l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Ces accords figurent au centre des discours et débats commerciaux et géopolitiques actuels.
Le Marché Commun du Sud (Mercado Común del Sur / Marcado Comum do Sul), est une organisation d’intégration économique en Amérique du Sud, créée par le traité d’Asunción en 1991. Ses membres fondateurs sont l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay et ont été récemment rejoints par la Bolivie en juillet 2024. Visant à promouvoir la libre circulation des biens, des services et des facteurs de production, Mercosur établit une politique commerciale commune et harmonise les législations entre ses États membres. Il représente environ 80 % du PIB total de l’Amérique du Sud et constitue un important bloc économique à l’échelle mondiale.
Les premiers plans d’accord entre l’Union Européenne et Mercosur remontent à l’année 2000. En mai 2016, l’UE et le Mercosur ont relancé le processus de négociation en échangeant de nouvelles offres d’accès au marché et en intensifiant le rythme des négociations (grâce à l’organisation de cycles de négociation et de réunions à intervalles réguliers).
Le 6 décembre 2024, l’Union européenne et quatre pays fondateurs du Mercosur sont parvenus à un accord politique pour renforcer leurs échanges commerciaux et d’investissement.
L’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur comprend plusieurs aspects clés pour faciliter les échanges, comme la réduction des tarifs douaniers en supprimant plus de 90% des droits de douanes entre les deux blocs, l’établissement d’un cadre réglementaire avec l’harmonisation des règles concernant la propriété intellectuelle, les normes de sécurité alimentaire et la protection de l’environnement , ainsi que la formation d’ engagements en matière de durabilité (normes du travail, protection de l’environnement et la conformité avec les accords climatiques).
Cette collaboration admet des avantages. Tout d’abord, elle permet une diversification économique pour l’UE en réduisant la dépendance de l’UE vis-à-vis de la Chine. De plus, la ratification de ces accords octroie l’accès à un marché riche en ressource naturelles pour soutenir la transition énergétique. Les experts leur prédisent même un impact économique positif, surtout par la création de nouvelles opportunités pour les entreprises européennes (par exemple, la suppression des droits de douane élevés du Mercosur permettrait aux exportateurs de l’UE d’économiser plus de 4 milliards d’euros par an). En outre, la fusion des deux marchés donnera naissance à un marché de 750 millions de personnes. L’accès à un marché dynamique et en pleine croissance contribuerait alors à créer des opportunités pour les entreprises européennes souhaitant investir. Enfin, la dimension géopolitique des accords ne doit pas être négligée. En effet, ils visent à renforcer l’influence européenne en Amérique latine face à l’expansion de la Chine, en créant des relations stratégiques plus étroites avec les pays du Mercosur. Cependant, des échecs dans ces négociations pourraient faire pencher les pays du Mercosur vers des partenariats plus favorables avec la Chine, ce qui pourrait diminuer l’influence économique et politique de l’UE dans la région.
Mais comme tous les accords entre l’UE et Mercosur présentent aussi des inconvénients. Dans un premier temps, les agriculteurs européens risquent de faire face à une concurrence déloyale. Ce sont en particulier les agriculteurs français qui s’inquiètent déjà de l’importation massive de produits agricoles à bas prix en provenance d’Amérique du Sud. La viande bovine notamment atteindrait le marché européen à des coûts inférieurs grâce à des coûts de production plus bas et des normes environnementales généralement moins strictes que dans l’UE. Ces préoccupations environnementales sont également au cœur des critiques. Les pratiques agricoles intensives dans les pays du Mercosur à l’origine de la déforestation dans le continent pourraient compromettre les engagements climatiques de l’UE. Les réserves concernant les implications environnementales de l’accord se basent sur la crainte qu’une augmentation des exportations de viande incite encore davantage à la déforestation. Enfin, il existe aussi une opposition politique à cet accord en plein essor au sein de l’UE. Plus de 600 parlementaires français ont exprimé leurs préoccupations concernant les standards environnementaux et sociaux de la production agricole en Amérique latine, affirmant que l’accord ne répond pas aux critères fixés par l’Assemblée nationale et le Sénat. À cela s’ajoute une forte mobilisation des agriculteurs, qui organisent et envisagent encore d’organiser des manifestations pour exprimer leur opposition.
Les accords UE-Mercosur provoquent des ruptures au sein de l’UE. D’un côté, ils sont soutenus par l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Portugal. L’Allemagne, en particulier, considère le Mercosur comme un marché clé pour ses constructeurs automobiles. Au-delà de l’industrie automobile, les entreprises pharmaceutiques européennes y voient également un moyen d’accéder aux marchés en expansion du Mercosur.
Le principal opposant est la France, dont le secteur agricole est le plus important d’Europe, soutenue par la Pologne, l’Autriche et les Pays-Bas. Des défendeurs de l’environnement, dont Greenpeace, ont également critiqué l’accord, avertissant qu’il pourrait accélérer la déforestation en Amazonie et accroître l’utilisation de pesticides nocifs.
L’Europe est en désaccord – tout le monde se pose des questions. Quel serait l’impact économique sur les agriculteurs européens ? Cette décision, pourrait-elle nourrir le sentiment anti-européen, promouvant la montée des partis politiques eurosceptiques (notamment de l’extrême droite) ? Est-ce que, en s‘éloignant de la Chine, l’UE risque de devenir dépendante d’autres pays ?
Même si l’UE et le Mercosur sont parvenus à signer un accord le 6 décembre 2024, le texte doit désormais être traduit dans les 24 langues officielles de l’UE et finalisé sur le plan juridique. Il sera ensuite proposé au Conseil de l’Union européenne, qui doit l’adopter à la majorité qualifiée des États membres. C’est là que les principaux opposants au sein de l‘UE peuvent essayer de combattre cette décision.
Pour conclure, l’Union Européenne est divisée. D’un côté, mené par l’Allemagne et la présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen, les pays argumentent que les accords permettront une diversification économique de l’UE, auront un impact économique positif et présenteront des avantages géopolitiques. De l’autre côté, les États membres comme la France ou la Pologne craignent ces accords, notamment à cause de la menace concurrentielle et environnementale : cette peur pourrait alors mener à la mobilisation de mouvements sociaux et à des manifestations potentielles des agriculteurs. Mais ces accords ne sont pas encore totalement ratifiés – le futur de l’Union Européenne reste donc incertain.
